
Victoire de la CFDT : Les cheminots ne paieront que les jours de grève
Victoire de la CFDT : Les cheminots ne paieront que les jours de grève

En supprimant les embauches au statut à partir du 1er janvier 2020, le gouvernement a fait le choix de remettre en cause l’équilibre social historique lié à l’engagement des cheminots au service public ferroviaire français depuis 100 ans. Le processus parlementaire achevé ne signifie pas que tout est d’ores et déjà écrit. Un nouveau modèle social est à construire au niveau de la branche ferroviaire et du Groupe SNCF. Décryptage.
Le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire a été examiné par la Commission mixte paritaire, composée de sept députés et de sept sénateurs, qui ont adopté une version commune du texte, confortant la loi remaniée par le Sénat. Le temps parlementaire est arrivé à son terme cette semaine avec le vote de la loi à l’Assemblée nationale et au Sénat. À l’issue de ces votes, le processus législatif est achevé. La loi sera complétée par des ordonnances et des décrets supplétifs.
Face à un gouvernement qui avait décidé de réformer la SNCF par ordonnances dans un délai extrêmement contraint et une direction SNCF revancharde, les cheminots n’ont eu d’autre choix que de se faire entendre pour faire bouger les lignes. La stratégie de la CFDT, associant propositions et mobilisation, a permis d’intégrer dans la loi un nombre important de propositions d’amendements. Bien qu’insuffisantes, ces avancées sont clairement à porter au crédit de la mobilisation de tous les agents dans ce conflit social.
La norme sociale posée par la convention collective nationale du ferroviaire nécessite un engagement fort de la part du patronat et de l’État. La CFDT Cheminots revendique qu’un protocole d’intention tripartite soit établi entre l’État, le patronat et les organisations syndicales, permettant de cadrer les enjeux et les thèmes de la négociation de branche. À la demande de la CFDT, le Premier ministre a accepté le principe de cette table ronde le 25 mai dernier.
Le contenu de ce protocole d’intention sera au centre des échanges durant cette table ronde tripartite. Ce protocole devra responsabiliser l’organisation patronale et contenir des engagements concernant certains droits qui seront inscrits dans la convention collective nationale (CCN). La CFDT veut doter les cheminots d’un système de classification des emplois juste et équitable, associé à des rémunérations minimales de branche, attractives et valorisantes. La CFDT revendique que ce volet de la CCN comporte des droits nouveaux, dont un 13e mois conventionnel, la prise en compte de l’ancienneté au sein de la branche et une juste rémunération du travail le dimanche et les jours fériés.
La CCN devra intégrer des droits nouveaux en matière de prévoyance, afin que les cheminots de la branche puissent bénéficier d’une protection sociale de haut niveau qui se décline en deux volets :
Cette mesure nécessite de rénover les missions de la CPR, qui deviendrait la caisse de la branche ferroviaire, ce qui lui assurerait une pérennité sur les activités de prévoyance et d’assurance maladie. En matière de prévoyance, la CFDT demande que le futur accord de branche comporte des dispositions spécifiques permettant de prémunir les cheminots des situations résultant de la perte d’une aptitude ou d’une habilitation, indispensable à l’exercice de leurs métiers.
La CFDT revendique la mise en place d’un système universel pour l’ensemble des salariés, y compris les nouveaux embauchés, auprès de l’ensemble des opérateurs.
La CFDT demande que l’UTP s’engage sur la mise en place d’une action sociale de branche permettant d’assurer la portabilité de différents dispositifs existants au sein de la SNCF :
La CFDT souhaite également que ce volet relatif à l’action sociale s’accompagne d’une politique d’accès au logement définie au niveau de la branche.
La CCN devra comporter un chapitre relatif à la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels. Elle doit permettre à un salarié, dont le poste a été supprimé ou le sera à un horizon prévisible, de bénéficier d’un dispositif de reclassement dans un poste correspondant à sa qualification au sein de la branche, dans le même bassin d’emploi ou à défaut dans d’autres bassins d’emploi. La CFDT revendique que ce volet de la CCN garantisse aussi le maintien des parcours professionnels pour les cheminots transférés chez un autre opérateur ayant remporté un marché. L’inscription dans la CCN d’un tel droit permettra, par exemple, à un conducteur transféré dans une autre entreprise ferroviaire d’avoir la garantie de pouvoir réintégrer la SNCF pour accéder au TGV au moment où son protocole d’accès le prévoira.
Depuis le début de ce conflit social, la direction de la SNCF a tenté de faire croire qu’il n’était pas le sien. Elle a pourtant été l’un des principaux instigateurs de cette réforme et doit à présent prendre toutes ses responsabilités pour résoudre une crise de confiance majeure.
Le point d’orgue aura été l’interprétation erronée de la réglementation sur les décomptes des jours de grève. Cette attitude manipulatoire et délétère s’inscrit dans la continuité d’une politique des budgets impropres à la production, placés sous le sceau de l’austérité et des compressions de personnel. La direction va devoir très rapidement changer de posture si elle souhaite revenir à des discussions normalisées et apaisées. Cette résolution de crise passe nécessairement par la construction d’un pacte social d’entreprise de haut niveau, composé de mesures sociales immédiates.
En l’absence de signaux forts, la direction de la SNCF portera l’entière responsabilité de la poursuite d’un conflit qui entre dans son troisième mois !
Dans le contexte d’une réforme marathon voulue par gouvernement et après avoir déposé 42 amendements auprès des différents groupes parlementaires au Sénat, la CFDT continue à revendiquer et construire en proposant neuf nouveaux amendements au texte de loi pour la Commission mixte paritaire (CMP). Parallèlement, il reste un nouveau modèle social à construire dans le Groupe public SNCF et dans la branche ferroviaire. Cette semaine doit être celle d’un engagement clair des employeurs de la branche et de la direction de la SNCF. Mobilisation.
La mobilisation des cheminots doit être la plus forte possible les 12 et 13 juin, afin d’obtenir des mesures protectrices et porteuses de nouveaux droits qui permettront de construire le statut des cheminots de demain.
La CFDT a déjà obtenu des avancées dans l’élaboration de la loi au Sénat au travers de ses amendements :
La CMP aura pour mission d’harmoniser le projet de loi autour d’une version commune. La CFDT tentera de porter ses amendements qui n’ont pas encore été retenus, dont :
L’adoption de la réforme par le Sénat le 5 juin n’est pas la fin de l’histoire, car le chapitre du cadre social reste à écrire. Dans un courrier adressé à notre organisation syndicale, la ministre des Transports a dressé le bilan des négociations en cours et celles qui restent à venir (voir la fin de l’article).
En annonçant la fin des embauches au statut dès le 1er janvier 2020, le gouvernement a négligé un équilibre social historique lié au service public ferroviaire. L’attachement des cheminots au statut ne s’explique pas par de pseudo-privilèges. Tout n’est pas encore « plié » par l’adoption de la loi, contrairement à ce que voudrait faire croire la communication du gouvernement et de la direction de la SNCF. Avec la CFDT, les cheminots n’abandonneront pas le statut sans que ne soient posées les bases d’un nouveau modèle social au moins aussi protecteur pour les futurs salariés.
La CFDT Cheminots veut doter tous les salariés, qu’ils soient de la SNCF ou d’autres entreprises ferroviaires, de droits sociaux protecteurs par une convention collective ferroviaire de haut niveau. Cela permettrait de faire barrage au dumping social et ne pas laisser l’expérience malheureuse du Fret SNCF se reproduire. La CFDT est fidèle à sa logique de mise en place d’un écosystème de mesures favorables pour le développement du ferroviaire dans notre pays, mais sans que cela se fasse au détriment des aspects sociaux. Elle a d’ores et déjà soumis ses revendications à l’organisation patronale UTP et au gouvernement. Durant l’une des tables rondes que la CFDT a demandée au gouvernement, l’agenda social de la convention collective ainsi que son contenu sera discuté. L’essentiel se jouera donc la semaine prochaine, notamment lors de la réunion tripartite entre syndicats, gouvernement et patronat, qui définira le protocole d’intention pour les négociations de branche.
Après trois années de jachères sociales avec des NAO à 0 % d’augmentation et une attitude délétère durant la gestion du conflit en cours – mauvais décompte des jours de grève et sanctions multiples –, la direction va devoir faire preuve d’un tout autre visage si elle souhaite le retour à des discussions normalisées et apaisées.
La direction de l’entreprise doit travailler à la restauration de la confiance en annonçant des mesures sociales fortes. Il s’agit de poser à courte échéance d’un pacte social d’entreprise de haut niveau. La CFDT a proposé un ensemble de revendications concrètes, susceptible d’être rapidement mis en œuvre (échelons supplémentaires, déverrouillage des mobilités, mutuelle d’entreprise, fusion des niveaux, amélioration des garanties de reclassement dans l’entreprise en cas de refus de transfert, etc.). Il est grand temps que la direction apporte des réponses.
Pour peser sur ces semaines décisives, la CFDT Cheminots et le Syndicat national FGAAC-CFDT appellent les cheminots à s’inscrire dans le quinzième préavis de grève de l’interfédérale CGT-UNSA-CFDT qui commencera lundi 11 juin à 20h00 et durera jusqu’au jeudi 14 juin à 7h55.
Je consulte la lettre de la ministre des Transports du 8 juin en cliquant ici